Les acides gras trans font partie des acides gras insaturés (en hydrogène), c’est-à-dire comprenant au moins une double liaison carbone-carbone.
Les acides gras insaturés trans sont d’origine naturelle ou artificielle, dans ce dernier cas produits par l’hydrogénation industrielle partielle des acides gras insaturés contenus dans les huiles végétales. L’hydrogénation totale n’en produit pas (ou très peu), puisqu’elle transforme quasiment toutes les doubles liaisons -C=C- en liaisons simples -C-C-, les acides gras insaturés devenant saturés (en atomes d’hydrogène).
Un acide gras insaturé peut prendre deux formes géométriques différentes, dites « cis » et « trans », ce qui leur confère des propriétés différentes, et une métabolisation différente. L’expression « trans » ne signifie donc pas ici « transgénique » ni « transformé ».
Leur étiquetage n’est pas à ce jour obligatoire en France mais va le devenir dans le projet européen sur le profilage nutritionnel (initié en 2006 et repoussé pour le moment). Leur utilisation est sérieusement réglementée dans certains pays développés (Danemark, Canada) ou certaines villes (New York). Après les avoir bannis des cantines scolaires, l’État de Californie a programmé en juillet 2008 leur bannissement des restaurants pour 2010 et des préparations à emporter pour 2011.
Sommaire
1 Même formule chimique que les cis, forme dans l’espace différente
2 Obtention par hydrogénation partielle, majoritairement industrielle
3 Sources alimentaires
3.1 Sources naturelles
3.2 Sources industrielles
3.3 Chauffage ou friture de produits contenant ou non des acides gras trans
4 Effets sur la santé et l’augmentation du risque cardio-vasculaire
4.1 Résultat des études réalisées
4.2 Effets, cumulatifs, augmentant le risque cardio-vasculaire, même à faible dose
4.3 Un quatrième effet, sur le métabolisme, probablement à plus forte dose
4.4 Effets de l’hydrogénation industrielle
4.5 Doses et consommations
5 Mesures de santé publique, prises ou en préparation
5.1 En Amérique du Nord
5.2 En Europe
Même formule chimique que les cis, forme dans l’espace différente
Fig 1. A. acide trans-9-octadécènoïque
B. acide cis-9-octadécènoïque (acide oléique) Chimiquement, les acides gras trans sont composés des mêmes atomes que leurs diastéréoisomères, les acides gras cis correspondants.
Mais ils ont une géométrie spatiale différente : dans les molécules d’acides gras trans, les doubles liaisons entre atomes de carbone (caractéristiques de tous les acides gras insaturés) sont en configuration trans au lieu d’être en configuration cis, ce qui leur donne une forme plutôt droite au lieu d’être courbée.
Cette particularité les rend moins fluides et leur donne une température de fusion plus élevée que la forme cis : ils sont donc plus solides à température ambiante, ce qui est une propriété recherchée par l’industrie agroalimentaire.
Obtention par hydrogénation partielle, majoritairement industrielle
Les acides gras trans existent naturellement en petites quantités dans la viande ou les produits laitiers des ruminants.
La plus grande quantité consommée par les êtres humains se trouve cependant dans les produits industriels par suite d’hydrogénation partielle des huiles végétales insaturées, procédé développé au début des années 1900 et ayant pris une importance considérable dans les pays industrialisés depuis les années 1950.
Selon l’AFSSA, les principaux aliments contributeurs identifiés des acides gras trans totaux sont à 60 % les produits d’origine animale (produits d’origine laitière et viande de ruminants). Les principaux aliments contributeurs identifiés des acides linoléiques conjugués (ALC) totaux sont à 70 % les produits d’origine laitière. Cela signifie que 40 % des acides gras trans totaux et 30 % des ALC proviennent des produits de panification et de la viennoiserie industriels, des biscuits, des plats cuisinés et des barres chocolatées.
L’hydrogénation partielle modifie la structure moléculaire des acides gras (remplacement de doubles liaisons -C=C- par des simples liaisons -C-C- avec deux atomes d’hydrogène supplémentaires) et modifie leurs propriétés : augmentation de leur température de fusion et diminution de leur rancissement, ce qui est souvent recherché par l’industrie agro-alimentaire. Mais elle transforme aussi une partie des acides gras insaturés cis en acides gras (insaturés) trans.
La consommation d’acides gras trans n’est pas nécessaire, ni bénéfique à la santé, contrairement à celle des autres acides gras naturels (saturés, ou insaturés cis). Leur consommation régulière augmente notamment les risques de maladies cardio-vasculaires, même à faibles doses ; ainsi que les risques de cancer du sein. Pour ces raisons, de nombreuses organisations pour la santé recommandent de réduire le plus possible leur absorption. Les acides gras trans issus de l’hydrogénation partielle sont généralement considérés comme plus nocifs que leurs pendants naturels (isomères cis).
Les acides gras trans sont très contrôlés dans certains pays, ils doivent obligatoirement être mentionnés sur les étiquettes dans de nombreux autres. Ils font depuis juillet 2008 l’objet d’interdiction dans les 24 000 restaurants de la ville de New York. Des entreprises les éliminent volontairement de leurs produits ou créent des lignes de produits dépourvues d’acides gras trans.
Sources alimentaires
Les acides gras trans de l’alimentation proviennent principalement de trois sources:
la transformation bactérienne d’acides gras insaturés dans le rumen des ruminants. Ces acides gras trans peuvent se retrouver par la suite dans les produits laitiers (beurre, crème, fromages, lait) et les viandes (bœuf, mouton, etc.);
l’hydrogénation catalytique partielle et la désodorisation des huiles végétales insaturées (ou parfois des huiles de poisson) riches en acides gras polyinsaturés; (huiles raffinées, non vierges)
lors d’une friture des huiles, ou d’un chauffage, même à assez basse température (huile de lin par exemple).
« Selon les résultats des études épidémiologiques, il y aurait une relation certaine entre la consommation d’acide gras trans et les maladies cardio-vasculaires mais ce seraient seulement les dérivés trans des huiles partiellement hydrogénées et non ceux provenant des tissus des ruminants qui seraient en cause (en viande, bovine moins de 2 % des acides totaux ) ».
Sources naturelles
La source naturelle d’acide gras trans est constituée des produits laitiers, des graisses et de la viande de ruminants : graisses de bœuf et de mouton (à env. 4,5%), les produits laitiers de vache et de chèvre (env. 3,3%), les viandes de bœuf et de mouton (env. 2%). Ils contiennent notamment de l’acide trans-vaccénique (acide trans-11-Octadécènoïque) de la famille des oméga-7.
Cette source « naturelle » représente, en France et en moyenne, la majorité des acides gras trans consommés : environ 50% par matières grasses laitières, 10-12% par les graisses de viande d’animaux ruminants. Selon une étude récente partiellement financée par l’industrie laitière (CNIEL et Nestlé), ils ne seraient pas clairement des facteurs de problèmes cardiovasculaires, contrairement à ceux produits industriellement; une autre étude publiée simultanément, également avec cofinancement industriel, conclut au contraire qu’ils ont les mêmes effets que ceux produits industriellement mais sans danger aux doses usuelles; lire à ce sujet l’éditorial du journal ayant publié les deux articles[15].
Sur ce sujet, voir aussi l’article détaillé Comparaison acides gras trans naturels et industriels
Sources industrielles
L’autre source d’acide gras trans, majoritaire en moyenne dans les pays anglosaxons, ainsi que pour certaines populations (jeunes ou adolescents p. ex.) de France ou d’Europe du Sud, est industrielle : l’hydrogénation catalytique partielle d’acides gras polyinsaturés.
Ce procédé industriel vise à rendre les huiles solides ou semi-solides (margarines) et moins sensibles à l’oxydation (rancissement ou peroxydation).
Ces acides gras partiellement hydrogénés sont utilisés dans l’industrie agro-alimentaire
- comme agent de texture pour rendre les aliments plus fermes et moins suintants
- comme conservateur pour éviter le rancissement
- ou comme désodorisant dans certaines huiles de poisson.
Ils se retrouvent ainsi dans de nombreux produits alimentaires transformés, notamment les margarines et produits gras (shortening par exemple) utilisés pour fabriquer toutes sortes d’aliments préparés :
Résultat d’analyses effectuées sur des produits commercialisés en France en 1999 et contenant des huiles végétales partiellement hydrogénées[17] | |||
Produits | Nombre de produits analysés | Teneur minimale | Teneur maximale |
Pain / Sandwich | 5 | 3,7% | 21,2% |
Céréales | 4 | 2,0% | 52,1% |
Viennoiseries | 2 | 24,5% | 34,8% |
Craquelins | 5 | 0,1% | 17,4% |
Pâte feuilletée / à pizza | 2 | 16,6% | 61,0% |
Gâteaux | 8 | 12,6% | 35,9% |
Soupes déshydratées | 11 | 4,3% | 27,0% |
Voir aussi Comparaison acides gras trans naturels et industriels
Chauffage ou friture de produits contenant ou non des acides gras trans
L’hydrogénation partielle, ou la transformation en isomère trans, peuvent également avoir lieu par chauffage ou friture. Pour limiter les effets sur la santé, il ne suffit donc pas de limiter sa consommation en produits industriels. Il convient également de ne pas trop chauffer des huiles et corps gras non destinés à cet usage (par exemple ne pas chauffer des huiles destinées à l’assaisonnement).
De même, le passage au four d’une pâte à tarte ou à pizza peut faire apparaître un taux d’acides gras trans supérieur à celui annoncé sur l’étiquette, quand cet étiquetage existe.
Voir aussi Comparaison acides gras trans naturels et industriels
Effets sur la santé et l’augmentation du risque cardio-vasculaire
Résultat des études réalisées
Les résultats des études faites depuis 10 ans convergent et indiquent une augmentation significative du risque cardio-vasculaire en cas d’excès dans l’alimentation de graisses trans résultant de l’hydrogénation partielle industrielle d’huiles végétales, plus encore que l’excès de graisses saturées.
En particulier, dans une étude de 1997 menée par Hu, Stampfer et Manson sur les femmes, les résultats montrent que, « pour un même apport de glucides, une augmentation de 5% de la consommation de graisse saturée augmente le risque de 17%, une augmentation de 5% de la consommation de graisse « trans » augmente le risque de 93% ».
Les acides gras trans favoriseraient le cancer du sein.
Effets, cumulatifs, augmentant le risque cardio-vasculaire, même à faible dose
Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments en 2004, l’état actuel des connaissances permettait de caractériser l’excès d’acides gras trans dans l’alimentation principalement par trois effets (observés par rapport aux régimes contenant des acides gras saturés et des acides gras insaturés cis):
- Une augmentation des transporteurs du cholestérol de type LDL, aussi appelé mauvais cholestérol;
- Une diminution des transporteurs du cholestérol de type HDL, aussi appelé bon cholestérol;
- Une augmentation des triglycérides.
Il est noté une association positive entre ces trois effets observés et le risque de maladie cardiovasculaire observée.
Ces (trois) effets négatifs se feraient sentir même à dose faible.
Un quatrième effet, sur le métabolisme, probablement à plus forte dose
L’avis indique également : « la digestion et l’absorption des acides gras trans présents dans les aliments se passent de la même manière que pour les autres acides gras […] et […] bien qu’il existe certaines preuves provenant d’études in vitro et sur l’animal en faveur d’une inhibition de la conversion des acides gras essentiels par les acides gras trans, il est peu probable que le métabolisme des acides gras essentiels soit affecté par les acides gras trans lorsqu’ils sont ingérés selon les quantités recommandées » (c’est-à-dire 1 à 2% de l’apport énergétique total).
L’inhibition de la conversion, des acides gras essentiels (par exemple en acide gamma-linolénique (AGL), et donc en acide dihomo-gamma-linolénique (DGLA)) suppose des effets importants sur le métabolisme et la santé des personnes concernées. Il existe donc un risque pour les populations qui ingèrent des acides gras trans en grande quantité (comme en Amérique du Nord).
- Par exemple par un développement du diabète : « Les acides gras trans induiraient une résistance à l’insuline, ce que ne font pas les acides gras insaturés. La configuration spaciale des acides gras est un important facteur de régulation de la sécrétion des cellules bêta du pancréas chez la souris ».
- Ou avec augmentation du risque d’apparition d’autisme, par insuffisance d’oméga 3, particulièrement l’acide alpha-linolénique.
- Ou pour le développement du fœtus ou du bébé : chez les femmes allaitantes, les acides gras trans alimentaires tendent à supplanter les acides gras essentiels (AGE : acide linoléique et acide alpha-linolénique) dans le lait maternel, et les acides gras trans finissent par aboutir dans les phospholipides et les triglycérides du plasma de leurs nourrissons allaités au sein (Innis et King, 1999). Rejoignant les conclusions de cette étude canadienne, des chercheurs de l’université de Maastricht aux Pays-Bas ont montré que la consommation d’acides gras trans semblait être liée à un statut en acides gras poly-insaturés plus bas chez la mère et le nouveau-né. De plus, la présence d’acides gras trans dans le tissu médullaire était liée à des quantités proportionnellement plus basses de acides gras poly-insaturés essentiels, à un poids à la naissance réduit, et à une circonférence de la tête plus petite (Hornstra, 2000).
Il paraît donc indiqué de réduire autant que possible l’ingestion d’acides gras trans par la mère en attendant confirmation des effets négatifs des acides gras trans sur le développement fœtal.
Effets de l’hydrogénation industrielle
Les effets potentiellement négatifs semblent essentiellement liés à l’acide élaïdique, produit dans l’hydrogénation des huiles végétales et isomère trans de l’acide oléique, qui est naturellement cis.
« On suppose que l’absence d’effet des acides trans chez le ruminant résulterait de la transformation de l’acide vaccénique (C18:1 n-7) en acide linoléique conjugué (ALC) ».
Les effets des ALC sur la santé sont encore à l’étude et sont controversés.
Voir Comparaison acides gras trans naturels et industriels
Doses et consommations
Les effets négatifs des acides gras trans sur la santé sont constatés surtout en Amérique du Nord (États-Unis, Canada : 8-10 g/j en moyenne), qui consomme plus d’aliments industriels que l’Europe du Nord (Pays Bas, Grande Bretagne : 3-5 g/j en moyenne), qui en consomme à son tour plus que l’Europe méditerranéenne : Espagne et Grèce (1-2 g/j en moyenne), France (2,7 g/j en moyenne).
Mais, d’après l’AFSSA, les plus grands consommateurs en France de matières grasses absorbent déjà presque 8g/jour d’acide gras trans (2.5% de l’apport énergétique total), soit presqu’autant que le Nord-Américain moyen.
Mesures de santé publique, prises ou en préparation
En 1994, une consultation mixte FAO/OMS d’experts chargés d’examiner le rôle des huiles et des graisses alimentaires dans la nutrition chez l’humain a recommandé que les fabricants d’aliments réduisent les taux d’acides gras trans dans leurs produits.
En Amérique du Nord
Le Canada a depuis quelques années déclaré la guerre aux graisses trans et a même publié des indications concrètes pour baisser l’utilisation des graisses trans. En 2007, le Canada a adopté une résolution pour interdire l’utilisation d’acides gras trans artificiels (interdiction d’avoir plus de 2% de gras trans d’origine artificielle), pour devenir le second pays après le Danemark a adopter une telle mesure. Elle devrait être mise en application prochainement.
Les autorités sanitaires américaines ont quant à elles lancé une mise en garde officielle début 2005.
Pour aller plus loin, suite à une large campagne d’information insuffisamment efficace, la ville de New York a décidé d’interdire les acides gras dans ses 24 000 restaurants, sous peine d’amende : « les autorités de la santé de la ville décident d’obliger les restaurateurs et les chaînes comme McDonald’s à éliminer les acides gras insaturés trans de tous leurs produits d’ici au mois de juillet 2008 ». La société McDonald’s a assuré qu’elle serait prête pour cette date.
La Californie a légiféré sur le sujet le 25 juillet 2008 : leur usage sera interdit dans les restaurants à partir de 2010 et dans les préparations à emporter à partir de 2011. Les produits emballés demeurent à l’abri de la loi mais toujours soumis aux obligations d’étiquetage.
Il est estimé que l’élimination totale des acides gras trans aux États-Unis permettrait d’éviter de 70.000 à 100.000 décès par an.[réf. nécessaire]
En Europe
Un projet de règlement européen sur l’étiquetage nutritionnel est en discussion.
Le Danemark a adopté un décret-loi le 11 mars 2003, disposant « qu’à partir du 1er juin 2003, la teneur en acides gras trans des huiles et des graisses assujetties au décret-loi ne devra pas excéder 2 g par 100 grammes d’huile ou de graisse ». Ce décret-loi ne vise pas les acides gras trans qui existent naturellement (dans les viandes animales ou produits laitiers). Ces acides gras trans ont été essentiellement remplacés par interestérification ou fractionnement de l’huile de palme, une huile qui a une teneur relativement élevée en acides gras saturés, soit environ 50%.
Aux Pays-Bas, la consommation d’acides gras trans a chuté en raison de la publicité concernant leurs effets sur la santé. La teneur en acides gras trans de la margarine de table solide vendue au pays est passée d’un sommet de 50 % dans les années 1980 à moins de 2 % à l’heure actuelle.
En France, L’AFSSA a en 2005 établi des recommandations (baisser à 1g pour 100 g de produit commercialisé), et préconisé un étiquetage des acides gras trans. Les industriels ont été invités à limiter les teneurs en acides gras dans de leurs produits (hors viande, lait et produits dérivés). Mais l’idée que les AGT laitiers sont moins mauvais que les AGT industriels est très répandue parmi les représentants de l’Assemblée Nationale.
En Autriche, le ministre de la santé, Stöger, a annoncé le 8 mars 2009 d’avoir commencé le travail sur une loi qui définit la valeur limite à 2%. Cela pourrait entrer en vigueur en Juin 2009.
Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Acide gras trans de Wikipédia en français (auteurs)