En 2010, il s’est vendu 1 million de carafes filtrantes. Réel phénomène de société, nombreuses sont les familles en France qui ont opté pour cette solution qui permets de filtrer l’eau du robinet. Environ 20% des foyers en sont équipés à l’heure actuelle. La marque allemande, Brita, est le leader incontestable détenant 90% des parts de marché du secteur.
Le succès de ces carafes est dû à plusieurs facteurs :
1) Le marketing
Selon le syndicat qui défend l’industrie de l’embouteillage, Brita consacrerait 10% de son chiffre d’affaires au marketing, ce qui est énorme. La marque ne cache pas qu’elle accorde beaucoup d’importance à la publicité pour mieux se faire connaitre des consommateurs et mieux mettre en valeur ses produits.
2) Des « atouts » mis en avant
La carafe filtrante est « plus pratique » selon la marque car il n’est plus nécessaire de transporter les bouteilles d’eau, elle est plus « économique » car le prix au litre est fortement réduit et pour finir, plus écologique car la production de déchets est moindre.
Il faut cependant savoir nuancer ces atouts. En effet, l’eau du robinet est encore plus pratique car est disponible immédiatement (quelques minutes d’attente sont nécessaires pour que l’eau soit filtrée par une carafe). L’eau du robinet est encore plus économique car une carafe coûte en moyenne de 20 € à 50 € et les cartouches, à changer tous les mois, en moyenne 7 €. L’eau du robinet est également bien-sûr plus écologique car elle est dépourvue de tout « emballage » jetable (cf. cartouches que l’on jette tous les mois).
Le principal argument de vente est leur capacité à filtrer l’eau afin de la rendre « meilleure ». Et c’est sur ce point que le bât blesse.
Le député des Alpes-Maritimes, madame Marland-Militello a demandé au ministre de la santé et des sports qu’une enquête sur les carafes filtrantes soit menée. Nous lisons dans la réponse de Roselyne Bachelot que « l’utilisation des carafes filtrantes ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune recommandation par le ministère chargé de la santé, l’eau du réseau public devant déjà être conforme aux exigences de qualité réglementaires ». Nous lisons également, non sans une certaine surprise, que des « relargages de substances toxiques ou indésirables dans l’eau consommée [issue de carafes filtrantes] sont possibles » lors d’un usage intensif ou lorsque les cartouches ne sont pas changées dans les délais.
De son coté, Nathalie Davoisne, du C.I EAU (Centre d’Information de l’Eau) affirme « préférer l’eau filtrée à l’eau du robinet, c’est avant tout une affaire de goût. Le filtrage n’améliore pas la qualité de l’eau du robinet, cette eau est soumise à de multiples contrôles et est parfaitement potable. Mais si l’on choisit d’acheter une carafe Brita il faut absolument penser à changer les filtres, sinon il peut y avoir un risque sanitaire ».
Qu’en est-il réellement ?
L’association de consommateurs Que Choisir a fait une étude sur 7 carafes filtrantes neuves en laboratoire et a également étudié celles qui sont utilisées chaque jour dans une trentaine de familles. Le rédacteur en chef de l’association, Jean-Paul Geai, a apporté les conclusions début mai 2010 à France-Info.
Résultats en laboratoire :
- La suppression du goût du chlore est réelle. En revanche il faut savoir que vous aurez le même résultat, et ce de manière totalement gratuite, en laissant pendant une heure une carafe d’eau au réfrigérateur.
- 6 carafes sur 7 ont une « certaine efficacité » pour diminuer les teneurs en plomb (à moins de 10 microgrammes par litre), lorsqu’elles sont neuves. D’après Jean-Paul Geai il faut relativiser ces résultats car les canalisations en plomb sont de plus en plus rares. En 2013 une norme prévoit que le taux de plomb soit en dessous de 10 µg/L d’eau.
- Les carafes sont par contre totalement inefficaces pour supprimer les nitrates.
- « L’efficacité des carafes filtrantes est très moyenne » pour éliminer les pesticides (ici le glyphosate a été recherché car c’est un des pesticides les plus utilisés).
- Les carafes se vantent toutes de réduire le calcaire. M. Geai affirme que « la réduction du calcaire est réelle mais modeste ». En revanche il ajoute que ce que les carafes appellent calcaire est en réalité du calcium, élément indispensable au bon fonctionnement du corps humain. Des études estiment que l’eau que nous buvons représente 20% des apports en calcium par jour. Il est donc totalement ridicule de vouloir le supprimer de l’eau.
- Les cartouches qui utilisent également des sels d’argent pour la filtration en relarguent dans l’eau. Selon Que Choisir même si « les doses sont faibles » pourquoi devrait-on en retrouver après filtration alors qu’au départ ce métal n’est pas présent dans l’eau du robinet ?
Résultats chez les particuliers :
L’association nous alerte que « là, c’est la catastrophe » et affirme que « l’analyse de l’eau filtrée par ces carafes chez une trentaine de familles donne des résultats pires que l’eau du robinet avant filtration ». Le plomb, les nitrates, le calcaire, les pesticides, les micro-organismes, le relargage d’argent, sont tous retrouvés dans de plus grandes proportions. « Au final les résultats sont désastreux pour l’eau filtrée » conclue Que Choisir.
Il existe plusieurs raison à cela. Il faut manipuler la carafe avec énormément de précaution (hygiène des mains, etc.) sans quoi les microbes peuvent considérablement se multiplier (surtout à l’air ambiant). Il faut de plus être très rigoureux avec le remplacement des cartouches ce qui peut, au bout d’un certain temps, devenir fastidieux et coûteux ou tout simplement être oublié.
Sources Principales :
- France-Info
- Que Chosir
- Brita
- InVs
Approfondir le sujet :
Denis Lefèvre et Vazken Andréassian : L’eau en péril ? : Une ressource à préserver au quotidien
Aujourd’hui, chaque Français utilise 148 litres d’eau pour ses besoins quotidiens. Si notre pays apparaît plutôt bien doté en eau, certaines régions connaissent l’excès ou la pénurie, voire des pollutions diffuses. Allons-nous manquer d’eau ? Pouvons-nous avoir confiance dans l’eau du robinet ?
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