Les aflatoxines sont des toxines produites par des moisissures (mycotoxines) appartenant essentiellement à deux espèces parmi les 10 espèces identifiées du genre Aspergillus (Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus), champignons pouvant se développer facilement dans les régions chaudes et humides. Les aflatoxines constituent un groupe de 18 composés de structures proches (1 molécule de coumarine et 3 de furannes). Plusieurs aflatoxines (B1, B2, G1, G2) sont présentes dans la nature ; la plus fréquente est l’aflatoxine B1 qui possède des propriétés tératogènes, génotoxiques et cancérogènes.
Outre les cultures contaminées, l’aflatoxine peut également pénétrer dans la chaîne alimentaire par l’intermédiaire des produits d’origine animale. Chez les mammifères les aflatoxine B1 et B2 métabolisées produisent deux dérivés hydroxylés : les Aflatoxines M1 et M2. L’aflatoxine M1 est excrétée dans le lait provenant d’animaux ayant reçu des aliments contaminés par l’aflatoxine B1. De nombreux produits alimentaires destinés à la consommation humaine ou animale animaux peuvent contenir des aflatoxines car les Aspergillus producteurs sont des contaminants fréquent de nombreux substrats:
L’aflatoxine B1 modifie de nombreuses fonctions métaboliques chez l’homme. Le principal mode d’action toxique est l’apparition, au niveau hépatique d’un dérivé époxyde, qui se fixe aux macromolécules et est responsable de la toxicité hépatique aiguë lors d’exposition à de fortes concentrations (mort cellulaire) et de l’apparition de mutations puis de la transformation cancéreuse des cellules (effet à long terme)
L’aflatoxine B1 possède des propriétés immuno-dépressives dues à son effet inhibiteur de la synthèse des protéines.
En Europe, chez l’homme, les intoxications aiguës dues aux aflatoxines ne sont jamais observées.
La voie d’exposition aux aflatoxines chez l’homme est leur absorption au niveau intestinal après ingestion de denrées alimentaires contaminées. Les troubles liés à une intoxication chronique due à l’ingestion d’aliments faiblement contaminées pendant plusieurs semaines ou mois sont : diarrhées, vomissements et perte de poids. Une atteinte du foie qui reste l’organe cible des aflatoxines peut se produire. Les enfants peuvent également être affectés lorsqu’ils sont allaités.
Les aflatoxines sont des substances cancérogènes avérées pour l’homme. L’AFB1 est classée dans le groupe 1 par le CIRC (CIRC, 1987) car elle peut induire l’apparition d’hépatocarcinomes.
Ingérée régulièrement, cette substance crée des lésions au niveau du foie qui évoluent en cirrhose. La mutation associée à l’hépatocarcinome (HCC) correspond à une mutation somatique (transversion G:C->T:A de la 3ième base du codon 249 de la protéine p53) qui n’affecte que les cellules hépatiques. Des études épidémiologiques, effectuées à l’échelle mondiale, ont montré que cette mutation est retrouvée dans les pays dont la nourriture est contaminée par Aspergillus Flavus qui est responsable de l’excrétion de l’Aflatoxine B1. Ce taux élevé de cancers primitifs du foie dans les populations d’Afrique, d’Asie ou d’Inde est associée à une consommation d’aliments contaminés, en partie à cause des conditions de stockage. Une étude réalisée par l’EFSA en 2013 a permis d’établir un lien entre le niveau d’exposition à l’aflatoxine B1 et la fréquence des mutations au niveau du codon 249 (EFSA, 2013).
Par ailleurs, la littérature scientifique montre que de nombreux hépatocarcinomes présentent à la fois une mutation du gène p53 (codon 249) spécifique de l’exposition à l’aflatoxine et une infection par le virus de l’hépatite B (HBV). Dans ce contexte le risque de cancer du foie est jusqu’à 30 fois plus élevé qu’en cas d’exposition à l’aflatoxine seule
Des travaux sont encore nécessaires pour expliquer, d’une part les mécanismes pathogènes responsables de l’induction du cancer du foie par l’aflatoxine B1 et, d’autre part, pour comprendre l’interaction entre la toxine et le virus de l’hépatite B dans l’apparition de la tumeur.
Comme les cellules hépatiques, les cellules du système respiratoire sont capables de transformer l’aflatoxine B1 en différents métabolites. Des études de toxicité réalisées chez des animaux exposés aux aflatoxines par voie respiratoire rapportent des lésions et des cancers des voies respiratoires et du foie ainsi que des altérations du système immunitaire (Sabourin et al 2006). Ceci pose la question de l’éventuelle exposition à ce composé par d’autres voies que la voie alimentaire.
Ainsi, des études ont permis de mettre en relation des expositions aux aflatoxines en milieu professionnel (secteurs agricoles et agroalimentaire) et l’apparition d’atteintes des voies respiratoires qui peuvent évoluer vers des cancers (trachée, bronches, poumons) (Chen, 2014).
Le règlement (CE) n°1881/2006 de la Commission européenne fixe le taux maximum d’aflatoxines à 4 µg/kg d’aflatoxines totales dans les produits destinés à l’alimentation humaine. Les produits dépassant ces taux ne peuvent pas être mis sur le marché dans l’UE.
En 2008, le Codex Alimentarius (Codex Alimentarius) a défini un taux maximal d’aflatoxines totales de 10 µg/kg dans les amandes, noisettes et pistaches prêtes à la consommation, ce qui représente un taux supérieur à celui actuellement en vigueur dans l’UE (4 µg/kg d’aflatoxines totales). Actuellement, la Commission européenne et les États membres discutent de l’alignement de la législation de l’UE sur la décision du Codex Alimentarius pour ces 3 types de fruits à coque.
En juin 2009, la Commission européenne a demandé à l’EFSA d’évaluer les effets sur la santé publique d’une augmentation du taux maximal d’aflatoxines totales de 4 µg/kg à 10 µg/kg pour les fruits à coque autres que les amandes, noisettes et pistaches, comme par exemple les noix du Brésil et les noix de cajou. Cela faciliterait l’application des taux maximum, en particulier pour les mélanges de noix. Le groupe de travail a conclu que la santé publique ne serait pas affectée en augmentant les taux d’aflatoxines totales de 4 µg/kg à 8 ou 10 µg/kg pour ces trois noix. Par ailleurs la diminution de l’exposition alimentaire totale aux aflatoxines devrait être obtenue en réduisant le nombre d’aliments fortement contaminés entrant sur le marché et en réduisant l’exposition à des aliments contaminés autres que les amandes, noisettes et pistaches.
Concernant l’alimentation animale, la directive 2002/32/CE fixe les taux maximum autorisés d’aflatoxines B1 dans les matières premières destinées aux animaux. Il convient de souligner que la teneur maximale fixée pour le bétail laitier est destinée à éviter toute excrétion lactée sous forme d’AFM1.
L’objectif est de limiter au maximum la présence des aflatoxines d’une large gamme de produits alimentaires, notamment les céréales, les graines et les fruits à coques, en particulier dans les pays africains.
En Afrique des approches globales sont nécessaires :
Ceci permettra à terme de limiter l’exposition et d’améliorer la santé des agriculteurs et des consommateurs.
Le PACA (Partenariat pour la lutte contre les aflatoxines en Afrique) est une association qui développe un système de gestion électronique des données pour les aflatoxines qui servira à donner des informations liées aux aflatoxines.
Ce système sera utilisé pour la sensibilisation du public, les activités de communication sur la prévalence et les risques de l’aflatoxine, la promotion du commerce régional et intra-régional, la production d’informations pour guider les interventions et pour développer des systèmes d’alerte précoce dans le cas d’épidémies d’aflatoxine.
Auteur : Unité Cancer Environnement
Relecteur : Pr Jean-Denis Bailly, Equipe Biosynthèse et toxicité des mycotoxines UMR 1331 Toxalim Hygiène des aliments Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse
Source : www.cancer-environnement.fr
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