Les phtalates sont un groupe de produits chimiques dérivés (sels ou esters) de l’acide phtalique. Ils sont donc composés d’un noyau benzénique et de deux groupements carboxylates placés en ortho et dont la taille de la chaîne alkyle peut varier. Les phtalates sont couramment utilisés comme plastifiants des matières plastiques (en particulier du PVC, pour former par exemple des plastisols) pour les rendre souples. Ils rentrent, sous la forme de téraphtalate, dans la composition du PET.
1 Structure et propriétés
2 Applications industrielles, produits de consommation
3 Modes d’exposition
4 Toxicité, risques pour la santé humaine et l’environnement
5 Analyse de phtalates
6 Normes et réglementation
7 Remplacement de phtalates
8 Notes et références
Ce sont des liquides visqueux, transparents, incolores, avec peu ou sans odeur et très peu volatils. Leur point d’éclair varie en sens inverse avec leur volatilité. Hydrophobes dans les conditions normales, ils auront donc une affinité particulière pour les graisses ou les alcools lourds[1]. Dans l’environnement, les phtalates sont biodégradables mais peuvent persister plus longtemps dans certains milieux comme le milieu aquatique où ils vont se mélanger aux sédiments, ce qui rendra plus difficile leur dégradation en mode aérobie.
Les phtalates sont utilisés depuis 50 ans et ils sont produits, de nos jours, à raison de 3 millions de tonnes par an. Ils sont présents dans de nombreux produits de consommation. Ce sont des plastifiants utilisés couramment dans les matières plastiques et d’autres matériaux. En règle générale, les plastifiants les rendent souples, flexibles, ils améliorent la tenue aux chocs et au froid, l’allongement à la rupture et facilitent la mise en œuvre (par exemple en abaissant la température de transformation).
Les cosmétiques sont le deuxième domaine d’application des phtalates où ils sont notamment incorporés comme agents fixateurs afin d’augmenter le pouvoir de pénétration d’un produit sur la peau ou d’empêcher le vernis de craquer.
L’utilisation, en tant que plastifiant, représente 90 % des applications des phtalates. De ce fait, ils se retrouvent dans diverses matières plastiques souples, en particulier le PVC[3]. Ils peuvent être ainsi présents dans :
. produits, mastics pour automobile ;
. revêtements pour les planchers et murs ;
. isolants pour câbles et fils souples ;
. produits de grande consommation en plastique ;
. cosmétiques et produits de soin personnel ;
. matériel médical ;
. jouets et produits destinés aux enfants ;
. emballages alimentaires ;
. jouets sexuels[4],[5],[6].
Toutefois, leur utilisation dans les jouets et emballages alimentaires est très réduite en Europe en raison de leur dangerosité. La réglementation en vigueur restreint leurs emplois, dans de nombreux pays. Par exemple, l’Italie qui fut l’un des derniers pays européens à bannir les phtalates comme plastifiants dans les films étirables alimentaires, leur absence reste aujourd’hui un argument : « No ftalato ». Le risque de leur utilisation reste élevé dans ces articles venus d’ailleurs, Asie en particulier, car les phtalates ont des performances inégalées pour un prix raisonnable.
Il apparaît alors une contradiction : d’un côté nombre de pays Européens poussent (par l’intermédiaire de réglementations) à la diminution de l’utilisation de ces agents chimiques, mais d’un autre côté, l’importation ne semble pas disposer d’un système de contrôle suffisant pour garantir un emploi respectueux, non seulement des réglementations, mais avant tout des personnes.
Cette omniprésence dans nos produits de consommation a suscité certaines inquiétudes de la part des organismes de santé publique qui étudient donc depuis plus de 20 ans leur toxicité et les effets possibles des phtalates sur l’être humain et son l’environnement[7],[8].
La libération des phtalates dans l’environnement est possible en raison d’une migration au sein de la matrice (due à une incompatibilité avec celle-ci) suivie d’une exsudation, et d’une faible volatilité (qui varie en sens inverse avec la masse molaire). En toxicologie, quatre types d’exposition sont souvent étudiés : inhalation, ingestion, intraveineuse ou contact cutané.
L’inhalation de phtalate n’est pas prépondérante car ces composés sont très peu volatils, il faut tout de même considérer le risque dû aux aérosols dans les cosmétiques (parfums, déodorants) et aux colles.
L’exposition via l’ingestion de phtalates est déjà nettement plus critique. Dans les pays où les phtalates sont encore admis dans les matériaux plastiques au contact des aliments, les phtalates migrent vers les aliments riches en graisses tels le fromage ou la viande. La valeur moyenne ingérée de cette manière est de 0,25 mg/jour. Malgré cela, des chercheurs de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ont déclaré que 12 % des gens dépasseraient la dose tolérée pour le DEHP selon la communauté européenne (soit 0,037 mg/kg de poids corporel/jour). Les enfants courent un risque plus élevé du fait de leur tendance à porter à la bouche les jouets en plastique parce que les phtalates peuvent migrer dans la salive.
La libération de phtalates par la voie intraveineuse représenterait une autre voie d’exposition non négligeable. En marge de ces expositions plutôt courantes, il peut aussi se produire des problèmes lors d’une longue hospitalisation pour laquelle l’organisme est exposé aux phtalates à travers les appareils médicaux comme les poches de sang ou les sondes intraveineuses. La quantité à laquelle le patient est exposé est faible mais l’exposition est directe puisque les composés passent directement dans le sang. Cela devient encore plus critique lorsqu’il s’agit d’un bébé ou d’une femme enceinte car les effets sur la fertilité et la croissance sont reconnus.
Enfin la présence de phtalates dans les produits cosmétiques est une source d’exposition supplémentaire car la migration des phtalates dans les graisses du corps humain se fait par contact cutané directement.
Les phtalates pourraient aussi être transmis via le lait maternel.
Lorsque toutes ces expositions sont combinées, il peut y avoir des risques mais les quantités présentes dans l’environnement ne sont pas assez importantes pour être dangereuses outre mesure. De plus, il ne se produit en général pas de bioamplification en remontant dans la chaîne alimentaire, ce qui veut dire que la contamination à laquelle un animal a pu être exposé ne se transmettra pas à celui qui va le manger si le temps est assez long pour permettre aux phtalates de se dégrader.
La toxicité du phtalate, comme celle du bisphénol A, dépend principalement de sa capacité à migrer du plastique dans le corps humain. Autrement dit, tout plastique n’est pas toxique du fait qu’il contient des phtalates. Le risque, qui porte de façon plus certaine sur la reproduction humaine, varie selon la masse corporelle, l’âge (surtout pour les fonctions de reproduction), la durée d’exposition, la nature du plastique, l’altération subie par le matériau et, bien sûr, la nature du phtalate. Enfin tout risque s’apprécie en regard d’un bénéfice, par exemple dans le cas des poches de sang.
La toxicité des phtalates les plus employés, tel le DEHP, est assez bien connue. Il reste cependant quelques suspicions à propos des effets cancérigènes de ces phtalates. Bien que des effets aient été prouvés sur des rongeurs (tumeurs hépatiques), les mécanismes biologiques n’étant pas rigoureusement identiques, il n’est pas possible d’affirmer que les phtalates soient cancérigènes pour l’homme.
Dose d’exposition des phtalates par jour | |||
Personne | Âge (ans) | Poids (kg) | Dose journalière (?g/kg de poids corporel/jour) |
enfants | 0-1 | 5,5 | 55-380 |
enfants | 1-3 | 13 | 20-183 |
enfants | 4-10 | 27 | 5-54 |
femmes | 18-80 | 60 | 8-124 |
hommes | 18-80 | 70 | 8-92 |
Symboles de toxicité des phtalates.
L’étiquetage de ces composés nécessite la mention « Toxique » et certains portent aussi la mention « Dangereux pour l’environnement », notamment pour les organismes aquatiques, car les phtalates étant hydrophobes, ils ont une affinité avec les graisses des poissons.
De même, une exposition prolongée entraîne chez les végétaux une bioaccumulation de phtalates dont la biodégradation n’est pas suffisamment rapide (voir référence sur le Bok Choy). Celle-ci est d’ailleurs estimée à quelques jours dans notre organisme, il n’est cependant pas exclu que les monoesters résultant de la dégradation des phtalates soient aussi en partie responsables de leur toxicité.
Il convient donc d’identifier quels sont les organismes les plus exposés aux risques de contamination, ce qui revient à identifier les modes d’exposition les plus importants.
Une des difficultés du dosage et de la détermination des phtalates vient du fait que ces groupes de composés sont fréquemment présents en tant que plastifiants dans l’équipement analytique, dans les solvants et l’air contenu dans les laboratoires (de ce fait, soustraire un « blanc » aux résultats obtenus pour l’échantillon).
La méthode d’analyse la plus sensible et la plus sélective pour le dosage des phtalates dans les différents milieux est la chromatographie en phase gazeuse ou chromatographie en phase liquide couplée à un spectromètre de masse (GC/MS, LC/MS). La préparation de l’échantillon dépend du type de phtalate et de la matrice. Dans le cas où les phtalates sont des micropolluants ou sont présentés à l’état de traces (ng/L à mg/L), une étape de pré-concentration est nécessaire. Les méthodes d’extraction utilisées sont : l’extraction liquide-liquide, l’extraction sur phase solide (SPE) et la micro extraction sur phase solide (SPME). L’extraction sur phase solide est fondée sur la distribution des composés entre une phase solide (adsorbant) et une phase liquide (échantillon). La sélection d’un adsorbant conduisant à une forte rétention est primordiale, car il sera possible de diminuer le grand volume de l’échantillon. Les phases solides les plus souvent utilisées pour les phtalates sont : polydiméthylsiloxane (PDMS), polydiméthylsiloxane/divinylbenzene (PDMS/DVB), divinylbenzène/carboxen/polydiméthylsiloxane (DVB/CAR/PDMS)[14]. La première étape de la procédure est le conditionnement de l’adsorbant contenu dans la cartouche d’extraction. Cette étape permet de mouiller le support en solvatant les groupements fonctionnels présents à sa surface. Lors de la seconde étape, on procède à la percolation de l’échantillon sur le support. Les molécules cibles, qui ont une forte affinité avec l’adsorbant, sont fixées sur le support. L’étape suivante, le lavage, est effectuée de manière à éliminer les composés interférents faiblement retenus par le support. Le solvant doit avoir une faible force éluante de façon à éluer les interférents tout en gardant fixés les composés d’intérêts. Enfin, on procède à l’élution des composés ciblés par un solvant qui rompt les interactions mises en jeu entre les analytes d’intérêt et le support solide[15].
Le traitement préalable de l’échantillon pour dosage de phtalates dans les produits de consommation en PVC consiste à couper l’échantillon, extraction par dichlorométhane et méthanol, puis pré-concentration par évaporation. Finalement, la détermination s’effectue par chromatographie gazeuse en présence d’un étalon interne. La limite de détection varie en fonction du type de phtalate de 3,5 à 350 ?g/g et la limite de dosage de 0.001 à 10?g/g[16],[17].
Plusieurs normes ont été adoptées dans le monde pour limiter voir interdire l’utilisation des phtalates dans les produits à risques.
L’utilisation de certains phtalates dans les articles de puériculture ou les jouets destinés aux enfants de moins de 3 ans a notamment été interdite depuis quelques années et est fréquemment révisée (voir la directive 2005/84/CE [pdf] dans l’Union Européenne et le décret de transposition n° 2006-1361 du 9 novembre 2006 en France).
Concernant les produits cosmétiques, la réglementation varie, l’Union Européenne interdit l’utilisation du DEHP dont le potentiel toxique est le plus élevé, alors que le Canada demande à ce que tous les produits cosmétiques soient étiquetés pour informer le consommateur sur la présence de phtalates ou non.
Pour les autres matières plastiques, aucune réglementation n’est appliquée car les doses auxquelles nous sommes exposés ne sont pas considérées comme dangereuses. Il reste cependant à faire l’effort de trouver des substituts non toxiques, surtout pour la fabrication de matériel médical.
Les phtalates les plus répandus (DEHP, DBP, DINP, DIDP et BBP) font toujours l’objet d’études par divers organismes internationaux (Food and Drug Administration, Bureau européen des substances chimiques et Institut National de Santé Publique au Québec) afin de clarifier certaines questions en suspens quant à la toxicité et aux normes à appliquer vis-à-vis des phtalates.
Dans le cadre de la substitution des phtalates, le plus important est la substitution des phtalates utilisés dans la production des jouets et produits pour enfants et dans la fabrication de matériel médical. Les produits de substitution doivent avoir les mêmes propriétés de résistance et de flexibilité que les phtalates, notamment pour le secteur médical. De toute façon, il sera auparavant essentiel de faire la démonstration de l’innocuité et de l’efficacité de ces produits de remplacement.
Certains plastiques ont des propriétés de rigidité et de résistance sans qu’il ne soit nécessaire d’y ajouter un phtalate ou du bisphénol A mais ils ne conviennent, à cause de ces propriétés, qu’à certains usages. Ce sont le HDPE (polyéthylène haute densité), le LDPE (polyéthylène basse densité) et le PP (polypropylène). Normalement, l’emballage composé d’un de ces plastiques, et donc parfaitement non toxique, doit mentionner, outre le sigle, une étiquette de recyclage avec en son centre la mention d’un chiffre, respectivement 2, 4 et 5.
Les industriels cherchent les moyens de remplacer le DEHP par d’autres phtalates de plus haut poids moléculaire. D’autres plastifiants sont envisagés pour être utilisés dans le PVC, notamment l’adipate de di-2-éthylhexylène (emballages en contact avec des aliments), les phosphates d’alkyle-aryle (ignifugeants dans les câbles), les trimellitates de trialkyle (câbles fonctionnant à chaud), des polyesters polymérisés (pour leur durabilité élevée).
La première version (en date de novembre 2008) de la liste de la réglementation européenne Reach recense quinze substances chimiques, dont trois phtalates bien connus pour leur nocivité : DEHP, DBP, BBP[18].
Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Phtalate de Wikipédia en français (auteurs)
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Qu'en est il des phtalates et autres métaux lourds dans les médicaments ?